Politisations émergentes, politisations précaires ?

 

Journées coordonnées par Laurent Jeanpierre (CRESPPA-LabToP) et Michel Kokoreff (CRESPPA-GTM)

L’observation dans les régimes démocratiques d’une défiance, variable mais importante, envers les formes les plus instituées de la participation politique – de la non-inscription et de l’abstention électorale à l’indifférence à la politique – est certainement l’un des résultats les plus robustes de la science et de la sociologie politique des dernières décennies. Même s’il commence à être nuancé, un tel constat est encore plus manifeste lorsqu’on se situe au sein des catégories populaires et des fractions les plus démunies de la société. Sans contester frontalement ces affirmations, il peut être intéressant d’interroger les définitions souvent implicites de l’activité politique légitime sur lesquelles elles s’appuient. La déploration savante d’un déficit démocratique n’est-elle pas tributaire d’une conception trop institutionnelle ou conventionnelle de la politisation ? En évoquant ce que nous appelons des politisations émergentes et/ou précaires, telle est la question autour de laquelle ces journées d’études, à la suite de quelques travaux novateurs, voudraient revenir.

L’enjeu épistémologique (et politique) principal est d’explorer des nouvelles voies d’approche de la politisation de fractions dominé-e-s de la société en échappant à la fois au « misérabilisme » (sous les formes, par exemple, d’une mise au jour d’un défaut de compétence politique, d’une politique impossible, improbable ou incomplète) et au « populisme » (qui voit d’abord dans l’existence de causes nouvelles ou dans les pratiques collectives ou publiques des dominé-e-s et des invisibilisé-e-s les signes d’une politisation réussie ou durable). Quelles sont les formes nouvelles ou peu reconnues de politisation des groupes plus ou moins précarisés ? Ces politisations émergentes sont-elles, par définition, vouées elles-mêmes à demeurer précaires ? Le restent-elles objectivement, en vertu d’un manque de ressources, ou bien du fait d’un travail d’invisibilisation de leurs formes et contenus ?

Il conviendra aussi de réfléchir aux méthodes et aux outils les plus adéquats afin d’aborder la politique des groupes dominés ou relégués à travers les formes les moins visibles ou les plus neuves de leur politisation éventuelle. Existe-t-il des techniques d’enquête, des terrains ou des postes ou des postures d’observation plus propices que d’autres pour le repérage des politisations émergentes ? Comment objectiver les pratiques ou les relations, constituées parfois de « liens faibles », qui permettent de comprendre certaines formes moins visibles de politisation et leur éventuelle rémanence dans le temps ?



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